On a testé… « Jusant », une aventure d’escalade vertigineuse, aussi physique que poétique


A certains endroits, vous pouvez apposer une nouvelle pierre à un cairn, monticule de pierres marquant le passage des explorateurs qui vous ont précédé.

Fort de son succès depuis Life Is Strange, en 2015, le studio français Don’t Nod continue d’occuper une place majeure dans l’industrie du jeu vidéo indépendant. Après Harmony: The Fall of Reverie, sorti en juin, et en attendant Banishers: Ghosts of New Eden, prévu pour février 2024, c’est au tour de Jusant, l’histoire d’une varappe pas comme les autres.

« Jusant » ? Un carton introductif nous renseigne d’emblée sur ce mot étrange : « Terme maritime qualifiant la période pendant laquelle la marée est descendante. » La séquence inaugurale offre en effet à notre regard un large désert au milieu duquel trône une ancre rouillée, vestige d’un océan que l’on imagine disparu. Nous rejoignons alors une montagne dans le lointain, gigantesque pic planté dans le sable et dont le sommet est masqué par le ciel.

Illusions d’haptique

Si notre exploration d’un monde asséché commence dans un biome a priori classique, celui d’une montagne ensoleillée, divers éléments marins s’invitent à mesure que l’on progresse : filets de pêche accrochés dans la roche, paroi envahie de coraux, bottes de pluie ou lunettes de plongée abandonnées dans un coin… Autant de marques d’un royaume marin aujourd’hui évanoui, ruines d’un ancien monde dont on collecte les échos écrits (des lettres éparpillées comme les pages du journal de bord d’une civilisation) et sonores (les évocations poétiques de certains coquillages qui permettent d’écouter les bruits du passé). Plus on grimpe et plus on a l’étrange sensation de s’enfoncer dans les abysses : gravir une montagne, c’est gagner le cœur des mers.

Pour progresser, il faut alors apprendre les rudiments de l’escalade. Tandis que les deux gâchettes de la manette gèrent indépendamment vos bras droit et gauche, la varappe se mue en épreuve physique pour le joueur : les mains engourdies, crispées de les avoir trop serrées, et les muscles qui se tendent lors de phases d’ascension qui s’intensifient progressivement.

Il faut faire attention à sa jauge d’endurance pour ne pas chuter lourdement et pendouiller tel un vulgaire paquet au bout de sa corde.

Nous ne sommes jamais très loin de Shadow of the Colossus, agrippés à une montagne géante tel un colosse aux multiples dos et ventres, dont on arpente les entrailles changeantes. A chaque chute, le corps pendouillant au bout de la corde, il faut se hisser jusqu’au dernier piton vissé, et recommencer. Mieux gérer les trajectoires, les sauts et la jauge d’endurance. S’il arrive régulièrement de se demander quel chemin emprunter, une observation attentive permet de se tirer d’affaire, le labyrinthe environnemental se dessinant avec une remarquable ingéniosité de paroi en paroi.

La préhension du vide

Cette ascension, permanente, n’en est pas pour autant monotone. Jusant renouvelle pas à pas ses mécaniques élévatrices, notamment par l’intermédiaire du ballast, créature magnétique et mystérieuse, entièrement constituée d’eau, que l’on transporte, et qui est capable de faire réagir des éléments utiles à la progression. Il peut par exemple accélérer la pousse de plantes grimpantes, utiles pour l’ascension, ou faire éclater des bourgeons pouvant servir de prises (éphémères si elles sont à l’ombre). De curieux insectes en forme de pierre servent également d’appuis mobiles et donnent de nouvelles variations à la montée.

Cette créature ventripotente, posée là en guise de couvre-chef, est un ballast.

Les vertus de la grimpette portent leurs fruits quand, à force d’amélioration dans le maniement, on rencontre soudain un nouveau vertige : une certaine grâce, née de la fluidité de nos mouvements dans des décors grandioses. C’est ainsi que Jusant s’évertue à faire ressortir l’essence de l’escalade, organiquement, par sa dangereuse beauté et son ivresse dans l’exécution.

Quand il arrive de poser enfin les pieds à terre, de retrouver un tant soit peu d’horizontalité, alors on se retourne, les poumons gonflés d’air. Contempler le chemin parcouru devient une récompense en soi. Puis, reclus dans le silence d’une planète, on poursuit sa route animé par le désir de découvrir ce que cette montagne peut bien abriter en son sommet. Un secret qu’on laisse naturellement entre les mains du joueur, ses atouts les plus précieux pour l’expédition cosmique qui l’attend.

Des peintures rupestres lumineuses se nichent dans les recoins des cavernes.

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • les sensations d’escalade qui s’intensifient progressivement ;
  • la découverte de la montagne qui évolue de biome en biome ;
  • la musique, saisissante de bout en bout ;
  • contempler le vide et la beauté des panoramas.

On a moins aimé :

  • quelques errements dans le contrôle du personnage ;
  • l’impression que le jeu s’achève trop tôt.

C’est plutôt pour vous si :

  • vous êtes fan de Sylvester Stallone dans Cliffhanger : traque au sommet, de Renny Harlin ;
  • vous souhaitez vous mettre à la méditation active ;
  • vous aimez les petites bêtes mignonnes ;
  • vous manquez de hauteur sur votre vie.

Ce n’est plutôt pas pour vous si :

  • vous souffrez d’acrophobie ;
  • vous tenez en horreur tout ce qui est mousquetons et poulies ;
  • vous devez ménager vos index ;
  • vous êtes climatosceptique.

La note de Pixels :

8 102 mètres d’altitude sur les 8 849 de l’Everest.



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Catégorie article Jeux

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